30% des salons de coiffure peinent à recruter... Pourtant, des milliers de coiffeurs sont au chômage...
Le 21/12/2015 à 10h44 - Expert Zone
C'est l'un des faits étonnants du milieu de la coiffure. En effet, depuis des années, nous entendons que la profession cherche désespérément des employés, mais que celle-ci a des difficultés à recruter. Mais au même moment, des milliers de coiffeurs sont inscrits sur les listings de pôle emploi. Comment se fait-il que l'offre n'arrive pas à rencontrer la demande, dans un secteur qui a pourtant de forts besoins de main-d'oeuvre ? Albert-Yves Rio, président de la FNC de l'Ille-et-Vilaine, a répondu à toutes ces questions pour le journal local Ouest France, sans langue de bois, et avec beaucoup de vérités.
Interview retranscrite :
On compte beaucoup de salons de coiffure, c'est plutôt bon signe ?
La profession compte 82 000 établissements en France. C'est quasiment 20 % de plus qu'en 2006. 61 000 salons ont ouvert en 2013, soit 9 000 de plus qu'en 2000. Mais ce qui a changé la donne, ce sont les auto-entrepreneurs qui exercent hors salon, souvent dans la coiffure à domicile, et qui ont donc beaucoup moins de charges à payer. Près de 17 000 ont ainsi lancé leur activité en 2013, 11 000 de plus qu'en 2000.
En même temps c'est le signe que la profession attire. Gagne-t-on bien sa vie comme coiffeur ?
Je doute que tous ces artisans coiffeurs puissent vivre correctement de leur métier. On compte un coiffeur pour 800 habitants en France. Or, en dessous d'un coiffeur pour 1 200 habitants, il devient difficile de dégager des revenus satisfaisants. Le résultat moyen des 82 000 coiffeurs en France se situe entre 17 000 et 22 000 euros. À comparer avec les 140 000 € des 24 000 pharmaciens.
Malgré tout le métier de coiffeur recrute ?
Le nombre de salariés recule (1) et cela s'explique par l'explosion du nombre d'auto-entrepeneurs. Cela dit, nous avons des besoins en CDI comme en CDD, en particulier pour les congés de maternité, notre profession étant très féminisée. 30 % de nos adhérents en Ille-et-Vilaine ont des postes à pourvoir. Pourtant, nous avons beaucoup de mal à recruter, alors que beaucoup de coiffeurs pointent au chômage. Nous les avons contactés pour des réunions de recrutement. Sur 79 invitations lancées dans le Finistère sud, deux personnes seulement sont venues. Et en Ille-et-Vilaine, sur 223 invitations. Une vingtaine de candidats se sont déplacés.
Vous avez une explication ?
On s'interroge. Il y a un certain désintérêt pour notre profession, lié à la crise, à la concurrence de la coiffure à domicile, au trop-plein de salons moyenne gamme, aux conditions d'exercice difficiles aussi. Et puis, il ne faut pas négliger la place du travail au noir, ces gens qui coiffent parfois, non seulement leurs familles, mais tout leur quartier. Et c'est très difficile de lutter contre ça, car il est impossible de contrôler.
Plus de 20 000 apprentis coiffeurs sont formés chaque année en France. C'est trop ?
Oui, il y a trop de formation initiale. Quand j'ai commencé, en 1968, nous étions quatre ou cinq à avoir obtenu notre brevet professionnel, pour un seul département. Cette année, ils sont 270, rien qu'en Ille-et-Vilaine ! Le métier séduit beaucoup de jeunes, mais on se demande ce qu'ils deviennent, une fois diplômés. À la fédération, on souhaiterait que l'entrée en formation soit beaucoup plus sélective, pour miser sur celles et ceux qui ont vraiment envie de faire ce métier.
(1) 96 800 en 2013 contre 108 000 en 2008.