Le futur des salons professionnels de coiffure
Le 18/06/2013 à 08h00 - Expert Zone
Pour sa 10ème année d'existence, le Beauté Sélection, évènement professionnel de coiffure décide de marquer le coup en investissant la Porte de Versailles, pour son édition Parisienne, profitant ainsi de la place laissée vide par le Mondial Coiffure Beauté, qui a migré vers le Parc de la Villette.
Un choix audacieux... et risqué, quand on sait que Com Exposium (la société organisatrice du Mondial Coiffure Beauté) a déserté les lieux pour 2 raisons il y a quelques années : les critiques des participants, qui recherchent d'avantage un show artistique qu'un grand déballage commercial, mais surtout une réalité économique évidente : Com Exposium ayant été lâché par L'Oréal, Schwarzkopf, Eugène Perma et Wella, ne pouvait plus financièrement continuer à tenir son salon tambour battant à la Porte de Versailles.
La Porte de Versailles est donc abandonnée, et Christophe Gabreau, directeur de la société organisatrice du Beauté Sélection espère bien frapper un grand coup en profitant de la place laissée vide par Com Exposium. En effet, le petit Poucet des salons professionnels de coiffure entend bien rassurer les marques sur la qualité et le sérieux de son évènement. Et pour cela, il mise sur un lieu prestigieux, qui a fait les grandes heures de la coiffure Françaises, à l'image du Mondial 2010. Un pari qui semble s'avérer payant, Eugène Perma (Petrol Hahn, Carmen...) revient sur le devant de la scène avec des shows sponsorisés pendant l'évènement (ce qui était si je ne me trompe pas déjà le cas l'année précédente, mais l'information reste à confirmer). En revanche, pas une trace de "grand" nom de la coiffure professionnelle chez les exposants. Tout nous laisse à penser que l'opération séduction ne fait que commencer, et que les résultats devraient s'avérer payant dans les années à venir.
Pourtant, les grandes marques se font désirer... Abonnés absents depuis 2010, il semblerait que celles-ci ne soient pas pressées de revenir sur le devant de la scène, en tout cas pas au travers des salons professionnels. En effet, Le Mondial Coiffure Beauté, qui annonçait lors de la conférence de presse d'une la FNC, le retour en fanfare des grandes marques semble s'être ravisé depuis. En effet, sur le dernier communiqué de presse que nous avons reçu, aucune trace de L'Oréal and Co, ou en tout cas pas dans la liste des exposants... Et selon nos sources, il semblerait que les 4 acteurs du défunt GDC ne soient pas sur le point de revenir cette année...
Les marques développent effectivement une stratégie de communication toute autre, et probablement plus rentable que leur présence sur les salons. En effet, chaque marque a décidé d'organiser son propre évènement, afin de maîtriser la chaîne de bout en bout. Fini la concurrence acharnée sur les salons pour essayer d'arracher quelques minutes d'attention à de potentiels futurs clients, débordants d'informations déjà récupérées chez les concurrents. Aujourd'hui, les marques organisent leurs évènements, proposent leurs shows, avec leurs coiffeurs star, et avec leurs produits. Et ils diffusent leur unique message bien rôdé, pas de place pour l'improvisation. Même les plus petits ont décidé de s'y mettre, à l'image de Davines et de son Worldwide Hair Tour 2013, prétexte au lancement de sa gamme More Inside.
Une stratégie de communication probablement plus rentable et plus maîtrisable, mais qui au final laisse la part belle à des marques moins puissantes. En effet, on a beau annoncer depuis des années la mort des salons professionnels, force est de constater que les salons professionnels continuent à ramener du monde. Et les stars de ces salons aujourd'hui, ce sont les GENERIK, les René Furterer ou encore les Balmain... En effet, les stands de ces marques sont débordants à chaque édition, les grandes marques leur ayant déroulé le tapis rouge par leur absence.
Alors au final, que penser du futur des salons professionnels? Pour en avoir parlé récemment avec les professionnels du secteur, les salons sont clairement en perte de vitesse. La faute encore une fois à internet. Si dans le passé les marques attendaient les salons professionnels pour communiquer sur leurs nouveautés, ce qui assurait aux salons des taux de remplissages records, Internet a redistribué les cartes. D'un côté, les marques ont coupé l'herbe sous le pied des salons, en développant leur propres communautés, et en communiquant par les différents outils mis à leur disposition directement auprès de leur cible : page facebook, site Internet, compte Twitter... De l'autre, les visiteurs, lassés du grand déballage commercial dans les salons, et de la pauvreté de la programmation artistique, ont déserté les salons, et ont utilisés ces mêmes outils pour se renseigner sur l'actualité des marques. Tant et si bien que les salons professionnels, comme on l'entendait il y a 20 ans ne font plus sens.
Les salons aujourd'hui sont des foires, au sens propre du terme. On y vient pour s'approvisionner, pour tester de nouveaux produits, et éventuellement si l'envie de découvrir un produit (ou de récupérer des produits gratuits) nous prend, on écoute le discours du commercial qui vante les qualités de la toute dernière molécule présente dans leur recette. Si certains semblent encore avoir du mal à le comprendre, d'autres ont bien capté les règles du jeu, et ont adapté leurs techniques de communication. C'est l'exemple de GENERIK, ou de Balmain entre autre qui profitent des salons et de leur audience pour vendre aux visiteurs. Une image qui clairement ne convient à toutes les marques, ce qui explique l'absence des 4 grands, ou encore l'entêtement des marques telles René Furterer, ou Vitality's à proposer des stands vitrine, qui collent bien avec leur image de marque, mais qui clairement placent la rentabilité de ces salons en dessous de la barre du 0 (certains diront que cela est du à leur mode de distribution, uniquement via grossiste, mais c'est une autre histoire, nous aurons l'occasion de parler des circuits de distribution de produits de coiffure dans le futur)... Les organisateurs (ces mêmes qui déplorent l'absence des grands du secteur) sont d'ailleurs les seuls fautifs de cette situation. Recherchant pendant des années une rentabilité maximale, ils ont pris le parti d'étendre la taille des salons et d'accueillir de nouveaux exposants sans être regardants, au mépris de l'image de marque véhiculée par ceux-ci et de la qualité artistique. En résulte une désertion des exposants et des visiteurs. Qui sème le vent récolte la tempête...
Alors, pour conclure cet article, quel est le futur des salons professionnels de coiffure? Il est clair qu'il faut arrêter de rêver à la présence des grandes marques, elles ne reviendront pas. Le ROI de leur présence sur les salons est négatif, et la multiplication des vecteurs de communication auprès de leur cible a réduit à peau de chagrin l'influence des salons professionnels sur les grandes marques. Les opérations séductions sont inutiles, les marques ont compris cette mutation des salons professionnels, et ne souhaitent plus adosser leur image à ces salons, considérés comme trop peu prestigieux au regard de leur standing...
Il est donc nécessaire pour les salons de se réinventer, et d'assimiler le fait que, à échelle des salons professionnels, les grandes marques d'aujourd'hui sont ces "acteurs de second plan" qui ont toujours été négligés, mais qui sont aujourd'hui le coeur de cible.
Dans ce sens, le Beauté Sélection semble prendre un avantage certain sur le Mondial Coiffure Beauté. En effet, étant plus petit et plus jeune, Standing Events a été contraint depuis ses débuts de travailler avec ces acteurs, et c'est aujourd'hui ancré dans son ADN. De plus, la complémentarité de ce salon (esthétique & coiffure) permet à la société organisatrice de répartir les risques, en jouant sur les 2 tableaux.
Le Mondial quand à lui prend le pari de l'artistique, avec un directeur (Thierry Tixier), grand fan d'évènementiel. Preuve en est le concert de Christophe Maé l'année dernière au MCB, bien loin de ce que l'on attend dans un salon professionnel de coiffure... Le ton est donné, priorité aux shows et à la qualité artistique de la programmation (la salle du Zenith ayant été réquisitionnée pour l'occasion), ce qui était une demande forte de la part des visiteurs, et surtout un moyen de redorer l'image du salon qui a été négligée pendant tant d'années. Mais est ce que cela suffira à faire revenir le GDC sur ce salon?
Et c'est la la vraie question, et tout l'enjeu des salons... Est ce que ceux-ci ont durablement muté ou est-ce une phase passagère? N'ayant ni don de divination, ni la science infuse, il m'est compliqué d'être catégorique quand à la situation. Mais j'aime à penser que l'ADN des salons a été modifié durablement, et que ceux-ci doivent se réinventer, retrouver un modèle, en considérant comme acquis l'absence des grands.
Rendez-vous dans quelques années... :-)
Thibaut - Co-Fondateur MeilleurCoiffeur.com